mercredi 24 novembre 2010

Fate

Quasiment deux ans que je n'avais pas parlé à V. et notre conversation téléphonique d'il y a quelques jours m'a fait plaisir. Néanmoins, une fois couchée, attendant d'être happée par le sommeil tout en me laissant bercer par la sobriété de la viole de Marin Marais dans le noir, je m'apercevais que l'évocation de ce prénom affectionné ne m'évoquait plus celui qui me l'avait rendu si cher. Ce n'était plus lui dont l'image du visage m'apparaissait spontanément à l'esprit, mais bien celui de mon ami et interlocuteur téléphonique. Je constatais alors que le temps était véritablement efficace et qu'il serait judicieux d'avoir la capacité de le laisser agir lorsqu'on se trouve au milieu de la tourmente.
Pourtant, je me suis interrogée hier soir sur la réelle efficacité du temps face aux traumatismes. Depuis longtemps, je souhaitais voir le film Osama, sur une fillette travestie en homme dans l'Afghanistan sombrant dans le chaos totalitaire. L'incroyable performance d'actrice de Marina Golbahari m'a prise aux tripes. Comment le personnage réel sur lequel est basé le scénario de ce film admirable pourrait-il jamais un jour laisser son tragique cheminement s'estomper peu à peu ? Que ce protagoniste androgyne présente ses cheveux longs cachés sous un voile laissant encore apparaître son visage du fait de son âge ou son visage masculin, aux cheveux courts, quelle détresse dans son regard ! Et surtout, quelle absurdité dans sa situation. Quel non-sens absolu que dans cette tentative de générer de manière quasi-industrielle des êtres humains préformatés, comme s'ils sortaient d'une Métropolis d'un autre âge. Il y a d'abord le choc, le traumatisme de ces fantômes bleus ou ocres, dépersonnalisés ; puis celui de ces hommes et de ces femmes en train d'annoner leurs récitations ou leurs pleurs de manière pavlovienne, décérébrée. Finalement, ne s'agit-il pas là d'un révélateur de notre androgynie à tous ? Ce funeste régime exerce une fascination hypnotique, totalement dénuée de la moindre raison. À l'instar des nazis, cet extrémisme est tel que l'on ne peut que scruter, observer, constater l'ampleur des dégâts qu'il a provoqués et continue hélas de causer aujourd'hui. Il me semble que rien ne pourrait mieux confirmer que Dieu n'existe pas que de telles horreurs.


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