dimanche 30 janvier 2011

Ambulance

Andrezj Żuławski ne m'a pas fait hurler dans un couloir de métro désert en jetant mes provisions autour de moi. Depuis quelques jours que je pourrais pourtant me prendre pour Isabelle Adjani, je crois avoir été catapultée dans l'état de maturité. Il se pourrait bien que la prise de conscience ait eu lieu. Il ne reste plus qu'à savoir comment agir afin d'être en conformité avec ce nouvel état de science. La dépendance qui est la mienne doit être domptée. Now is the time. Mais se sentir portée par une sorte de confiance toutefois incertaine ne fournit pas le guide pratique des rouages qui me constituent. Au fur et à mesure que le négatif d'excroissance me tenaille les entrailles, et que cela m'apporte un certain bien-être, je n'en demeure pas moins perplexe quant à l'assurance qui se serait inconsciemment développée en moi. Réduite à l'état de yo-yo émotionnel, j'observe ma béance comme un phénomène étrange dont il faudrait parvenir à comprendre le fonctionnement. La théorie demeure toujours très simple mais l'application thérapeutique peine à se dévoiler. Alors que mon horloge se dérègle et que j'évite soigneusement le narratif, je m'embourbe dans des projections salvatrices, dictées par une simple foi. La foi... Suffit-elle à faire résonner le vide sidéral ? Le silence de l'espace s'emplit-il du concert angélique de son propre être ? D'où viendront les Évangiles qui feront s'évaporer les murs du Purgatoire ? Car nul doute que c'est l'Éden qui s'étend au-delà. Il ne saurait en être autrement. La blouse blanche aux commandes ne montre pas son visage. Il se perd dans le flou de la pensée. Mais peut-être que la symbolique des choses et le poids de leur sens vont finalement infléchir la destinée. Lorsque le couperet du principe créateur s'est abattu avec force sur le lien paternel le reliant à sa progéniture désormais livrée à elle-même, l'Alma Mater a dû tant bien que mal pallier à son effacement progressif. C'est de cette situation qu'est né le déséquilibre. Ce chaos mundi duquel découlent tous nos désordres. Celui à blâmer. Le bouc émissaire. Mais le gyrophare lance sa lumière bleutée, phare azuréen propitiatoire, du sommet de mon véhicule perpétuel et j'entends la voix sensuellement masculine m'enjoindre de ne plus rien craindre. Cette virilité me ramène à la béatitude et me donne la cause, la raison et le but de ma présence céans. Peut-être me suis-je trop fondue dedans mais puis-je perdre la foi, sans y perdre jusqu'à mon essence-même ?


http://www.youtube.com/watch?v=ycz2zy_QIVQ


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vendredi 28 janvier 2011

座禅

Évidemment, les mots sont une éjaculation. Ils doivent être littéralement crachés au fur et à mesure qu'ils jaillissent à l'esprit. Point d'automatisme scriptural. Les idées sont des geysers, fusant à horaires plus ou moins déterminés, avec d'autant plus de puissance du fait de leur épisodicité. Ce sont des phénomènes constants malgré leur caractère capricieux. La brutalité de l'illumination, lors de la prise de conscience, a ceci de transcendant qu'elle est finalement libératrice. Du tréfonds du désespoir, parfois une parole suffit à lancer sur une voie de raisonnement et de compréhension, menant à un éclaircissement progressif de l'horizon. Ce qui contribue à retrouver une relative confiance, d'optimisme et de sérénité. Il ne faut pas non plus naïvement y voir un empirisme miraculeux mais seulement de la logique. Car après tout, quel autre principe que celui-ci pourrait bien régir notre univers physique ? Après trois jours dans le désert, c'est en creusant le sol à mains nues mais aidé par l'Esprit que survient la vision du salut. La route pour l'atteindre est encore longue mais on en distingue les contours dans le lointain, ce qui le rend tangible. Et peut-être sensé. Nul équidé anonyme mais bien la capacité à chausser sa vie, à faire éclater le soleil interne et à irradier ce qui bouillonne dans le naos individuel. L'explosion d'une supernova anime et transfigure l'univers. Car l'univers s'affranchissant des dimensions, se densifie en nous-mêmes.
Je suis l'univers.



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samedi 1 janvier 2011

Requies

Mes nuits sont mauvaises et courtes depuis dimanche et ce, en dépit des la gentillesse, de la prévenance et de l'attention dont j'ai été l'objet de la part de G. en premier lieu, mais également de celle de beaucoup de gens. Les obsèques furent aussi intimistes que la dernière fois et c'était très bien ainsi. Hypocrisie et fausseté ont donc été bannies du fait de l'absence de leurs porteurs. Ceux qui l'aimaient ont pris le train. Et la voiture. C'est moi qui suis arrivée la première. Je ne savais pas très bien si j'étais censée entrer. Après quelques minutes d'hésitation, j'ai poussé la porte pour me retrouver dans ce lieu froid, impersonnel, loin de ce à quoi m'avaient habituée les Fisher. Le funérarium était dans une petite rue, donc peu exposé aux nuisances sonores de l'extérieur. Son nom était affiché sur un A4 à côté d'une porte poussée mais pas fermée. Personne en vue. Je n'étais pas à Los Angeles mais à Bergerac. Dans mon cher sud-ouest pétri d'histoire. Je ne savais pas quoi faire. Puis j'ai finalement poussé cette porte. C'est d'abord le bouquet de fleurs au sol que j'ai vu. Mais la sorte de paravant coulissant sur le côté a ensuite immédiatement attiré mon attention. Il était ouvert et c'est alors que j'ai vu le cercueil. Ouvert. Je n'avais vu de défunt qu'une seule fois et de loin. Cette fois-ci, c'était ma grand-mère ; elle était là, devant moi. Je me suis recueillie debout devant elle, lui parlant mentalement. Je me suis mise à pleurer et l'appréhension et la solitude ont retenu la spontanéité du baiser que j'ai fini par aller déposer sur son front froid. Car c'était le contact avec ce froid mortuaire, dont je n'avais encore jamais fait l'expérience et dont la mention par ma mère au sujet de mon grand-père m'était encore présente à l'esprit, que je redoutais. Voilà probablement ce qui décrit le mieux la mort : le froid et l'inertie. Elle gisait dans son linceul lilas. À travers mes larmes, j'avais parfois l'impression de voir sa poitrine se soulever imperceptiblement, comme mue par un sommeil serein et profond. Au bout d'un petit moment, j'ai dû sortir pour reprendre mes esprits et boire quelque chose. Puis je me suis dit qu'il valait mieux passer le plus de temps possible avec elle pendant qu'il en était encore temps et suis retournée auprès d'elle. Je suis allée l'embrasser une seconde fois après avoir utilisé quelques kleenex.
Je me tenais toujours devant le cercueil quand j'ai entendu ma mère, mon beau-père et mon frère arriver. Je les ai vus et suis donc retournée dans la première pièce. Après les étreintes et les embrassades, quelques paroles, nous sommes retournés dans la chapelle ardente. Nous avons commencé à y faire des stations régulières, ressortant de temps en temps en attendant l'arrivée de R. et E.. Ma mère avait récupéré des lettres qu'elle avait apportées. Elle a glissé mes deux textes, qu'elle avait imprimés, dans le cercueil avec une lettre qu'elle lui avait écrite. Nous y avons joint quelques autres lettres et photos.
C'est après l'arrivée de mon oncle et ma tante que les choses se sont pimentées. Lorsqu'il a fallu refermer le cercueil, que les policiers et les employés des pompes funèbres sont entrés dans la chapelle ardente, je suis sortie. Seuls ma mère et mon beau-père veillaient au déroulement de l'opération. J'avais déjà fait preuve de courage en restant seule au début et en trouvant la force d'embrasser le visage chéri de ma grand-mère, pourtant devenu si autre du fait de son amaigrissement des dernières semaines, du maquillage pourtant discret mais visible et par la rigor mortis. Je ne pensais pas pouvoir supporter de voir le couvercle du cercueil se refermer à jamais sur elle. Je me tenais avec mon frère dans la première pièce lorsque notre mère est sortie précipitamment de la chapelle ardente après que nous ayons entendu un bruit de petits objets métalliques tomber au sol. Nous ne savions pas si elle pleurait ou riait. Probablement un mélange des deux. Elle est allée vers R. et E. puis ils sont sortis, bientôt suivis par mon beau-père. K. et moi étions alors silencieux, nous interrogeant l'un l'autre du regard. Nous avons alors vu les autres au dehors par la porte vitrée. Ils riaient. C'est alors que nous avons entendu les deux employés s'engueuler. Ils devaient nous croire tous dehors. K. et moi avons fini par sortir rejoindre les autres et avoir l'explication de ce qu'il venait de se passer : le vilebrequin de l'un des deux employés avait glissé et attaqué le doigt de l'autre, qui s'était mis en devoir de tenir la vis. Celui-ci avait jeté la boîte de vis en l'air sous la douleur.
Finalement, cela nous faisait rire et nous soulageait. Ma grand-mère elle-même devait probablement sourire de l'absurdité de la scène depuis son nouveau séjour.

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