lundi 27 décembre 2010

Relativity

C'est donc hier soir que ma grand-mère est morte. Lorsque j'ai entendu mon téléphone sonner, j'ai pressenti la mauvaise nouvelle. G. s'est montré doux, tendre, affectueux et prévenant, ce dont je  ne doutais pas une seule seconde. Nous avons parlé un peu. Puis, blottie au lit dans ses bras, la chatte ronronnant sur la couette, il s'est endormi, me laissant à mes pensées et à mes souvenirs, lesquels m'ont occupée toute la nuit. C'est tout un chapitre de ma vie qui se referme ainsi. J'étais proche de ma grand-mère. Elle et moi avions une complicité et une compréhension qui nous réunissaient en toute occasion. C'est qu'elle a tenu seule ce rôle, ma grand-mère paternelle s'étant éteinte quand j'avais sept ans, et malgré la présence indéniable de ma grand-mère d'adoption. Même si j'ai encore mon grand-père paternel, je me demande ce qu'il doit ressentir, lui, sachant qu'il est le dernier. Voir ses "pairs" disparaître les uns après les autres, ça doit remuer. Hier soir, dans le noir, je revoyais les funérailles de mon grand-père maternel, ma grand-mère lui faisant un petit au revoir de la main, lorsque le cercueil est lentement descendu vers le crématoire. Ce petit geste, fait dans l'attente d'être réunie à lui, m'a bouleversée, m'a remué les tripes. Ces derniers mois, sa santé n'était plus ce qu'elle était. Ce que ma mère, mon oncle et ma tante m'en racontaient pouvait parfois prêter à sourire, ou au contraire gêner. Mais c'était ma grand-mère et je l'aimais inconditionnellement. Peut-être que consciente de son état, elle avait décidé de ne plus s'accrocher à une vie qui ne lui laissait plus entrevoir grand-chose de très réjouissant. Elle était lassée de ce quotidien qui ne lui offrait plus guère que de minces satisfactions. Comme une sorte de salle d'attente ou une antichambre avant l'étape suivante. Je me console dans une certaine mesure en me disant qu'au moins, elle ne s'est pas éteinte à la clinique où elle était encore il y a une semaine. Elle avait réintégré la maison de repos, elle avait ses livres, sa musique et ses photos autour d'elle, même si nous, ses proches, étions loin. Pour honorer sa mémoire, j'écoute une messe de ce Schubert qu'elle aimait tant. J'avais essayé de lui téléphoner avant-hier. Pas pour lui souhaiter un joyeux Noël, ce qui eût été un peu inutile, mais au moins pour lui parler, pour l'entendre, pour lui montrer que je pensais à elle. Mais mon appel a été rebasculé vers le standard où une infirmière m'a dit qu'elle était passée la voir un peu plus tôt pour lui préparer son repas et lui apporter son petit cadeau (rituel sympathique et touchant dans cette maison de repos) mais qu'elle dormait. Lorsque j'ai passé quelques autres coups de fil hier, je n'ai pas eu le réflexe d'essayer de la rappeler. J'aurais dû. Je me souviens que nous nous sommes serrés dans les bras l'une de l'autre lorsque nous nous sommes embrassées pour nous dire au revoir cet été. En me détachant d'elle et en la voyant s'éloigner dans le rétroviseur, la pensée que c'était peut-être la dernière fois m'avait saisie. Évidemment, on ne veut ni ne peut jamais croire à une chose pareille. Peut-être que lorsque l'on sent la fin à portée de main, on n'a plus envie de faire attention. D'être "raisonnable". Car de toute manière, à quoi bon ? Je me dis que pour elle, c'est probablement une délivrance de ne plus être prisonnière d'un corps qui se dégradait. Elle est partie rejoindre mon grand-père puisque leurs cendres à tous les deux seront réunies et mélangées d'ici quelques jours.
C'était ma grand-mère. Une grand-mère formidable. Et je l'aimais beaucoup.


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mercredi 8 décembre 2010

Magical Mystery Continuation

Aujourd'hui, je me souviens. C'est de circonstance puisque tous les media nous le rappellent. C'est peut-être convenu mais parfois, dans certains cas, peu importe. Je conserve une image de ce 8 décembre 1980. Je me souviens du journal télévisé, sur le poste noir et blanc. Évidemment, à 9 ans, je ne saisissais pas bien ce qu'il venait de se passer. Juste qu'un homme avait été assassiné. Ma mère semblait affectée. Je n'ai pas souvenir d'une éventuelle réaction de mon père. Peut-être en ont-ils parlé tous les deux au téléphone mais mon père ayant rejoint John Lennon quelques années plus tard, je n'en saurai rien. Étrangement, nous étions bien en 1980. L'époque peut-être (probablement) idéalisée des années 1960 et 1970 était officiellement révolue. Peut-être d'ailleurs que ce meurtre en constitue le point final ? Rétrospectivement, cette époque me paraît bien plus saine (pour autant que faire se puisse) que l'infortunée actuelle. J'ai l'impression naïve que ces vingt années, et peut-être encore un peu le début des années 1980, étaient surtout portées par un espoir et une foi en l'avenir démesurés. Deux choses qui ont manifestement totalement disparu aujourd'hui. Il ne s'agit bien sûr pas de tout réduire à cette foutue jeunesse (comme si le reste de l'humanité n'existait pas ou ne méritait pas le droit à la prise en compte), mais la proportion porteuse, d'un point de vue social, c'est bien la jeunesse. Il règne aujourd'hui une sorte de résignation, d'inconscience ou de bêtise. Mais peut-être juge-t-on éternellement à la lumière de l'expérience acquise et a-t-on tendance à oublier sa non-connaissance de jeunesse ? Quoi qu'il en soit, je me souviens donc. D'une voix qui a bercé toute mon enfance et mes hippies de parents et leur entourage (en exagérant un petit peu). Effectivement, sa voix ne s'est pas tue car sa génération est toujours bien présente et continue d'être marquée. Il est toujours facile d'en parler après-coup plutôt que de s'engager concrètement pendant qu'en porte-parole adoubé par la vox populi est toujours vivant et en action. Mais entretenir sa mémoire par l'action post-mortem est sans doute la seule manière sensée de lui rendre hommage. Et ne pas se laisser décourager, continuer à croire à un monde meilleur, comme il le rêvait et le souhaitait.






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